Comme on voit, par un air qui descend au malin,
Glacé, lancer aux fleurs son haleine mortelle,
Se détruire l’espoir de la saison nouvelle,
D’une seule parole aussi, le trait malin
Tuera l’amour pudique ou l’amitié si belle,
Fleurs qu’un souffle ternit en leur charme divin.
Une rose, un bouton, sur une môme branche
Se balancent tout doucement,
Inclinés sous l’essor de la brise qui penche
La tige, où, frère et sœur, jouant
Dans les parfums d’un baiser ineffable,
S’unit la fleur éclose au bouton d’avenir :
Lui, comparable à l’espoir du plaisir,
Elle au bonheur qui rit toute semblable.
Mais la rose a déjà connu du der nier soir
La nuée empourprée où le soleil se couche ;
Tandis que le bouton, tout au plus, vient de voir
Le premier rayon qui le touche.
Aussi, jeune, frais et vermeil,
Un peu fat, car il sait qu’amour lui va sourire,
Il disait à sa sœur : — Cachez-vous du soleil,
A votre éclat qui fuit, sa force pourrait nuire.
Gardez la perle d’or que la rosée a mis
Sous le pli jauni d’une feuille.
Ah ! Ma sœur, il est temps… oui, qu’une main vous cueille,
Vos plus beaux instants sont finis.
Si la fleur eût été quelque beauté coquette,
A son déclin rêvant encore une conquête,
Rose et bouton, à ces mots de mépris,
De frères qu’ils étaient, devenaient ennemis.
“La Rose et le Bouton”