Vous voulez me cueillir, disait la Rose en pleurs
Au jeune Corylas, qui l’avait cultivée;
Hélas ! m’avez-vous réservée
Au plus funeste des malheurs ?
Voilà donc où tendaient vos perfides douceurs ?
Par ces mots, la Rose vermeille
Croyait convaincre Corylas ,
Corylas, détournant l’oreille,
Feignait de ne l’entendre pas.
Cent fois, poursuivait-elle encore ,
Vous avez prévenu l’aurore,
Pour me voir et pour m’arroser.
Vous n’osiez même me baiser,
De crainte d’altérer l’éclat qui me colore.
Arrêtez, cher berger; cruel, que faites-vous?
Arrêtez un moment : quand vous m’aurez cueillie,
Quelques instans après vous me verrez flétrie ;
Je perdrai les attraits dont vous étiez jaloux.
Ainsi parlait la Rose en larmes ;
Mais ses cris furent superflus.
Dès qu’elle fut cueillie, elle n’eut plus de charmes;
Et Corylas ne l’aima plus.
Amants , dans les plus dures chaînes,
Contraignez vos brûlans désirs.
Le comble des tendres plaisirs
Est souvent le comble des peines.
“La Rose”