La Rose mousseuse
Sur un rosier mousseux, dont la tète élégante
Embaumait l’air du parfum de ses fleurs.
Se distinguait, parmi ses sœurs,
La rose la plus belle et la plus éclatante.
La Grèce en eut jadis, dans ses jours solennels,
De Vénus paré les autels.
« Les Grâces, disait-on, l’offriraient à leur mère.
Elle charme à la fois la vue et l’odorat.
Voyez quel réseau délicat,
Sur le calice qui l’enserre,
Forme cette mousse légère !
Quel relief elle donne à son vif incarnat ! »
C’est ainsi qu’en passant on lui rendait hommage.
Mais cet éloge excitait le dépit
D’un chétif arbrisseau dont le tronc décrépit
Végétait dans le voisinage,
Et dont la mousse étouffait le feuillage.
« Voyez, murmurait-il, voyez l’iniquité !
C’est la mousse qui rend cette rose si belle ;
Et l’on me jette à peine un regard de côté,
Moi qui suis tout couvert de ce qu’on vante en elle. »
Que répondre à cet arbrisseau?
Qu’il faut en tout de l’art, un goût, de la mesure.
Tout sied à la beauté, tout lui sert de parure;
Elle est de ses alours le plus riche joyau ;
De son reflet se parent toutes choses ;
Mais, fût-il lout brillant de rubis et de roses.
Le laid ne sera jamais beau.
- Jean-Pons-Guillaume Viennet 1777 – 1868