Auguste Joseph Duvivier
Médecin et fable XVIIº – La Santé et l’Amour-propre
Lasse enfin d’être en butte aux maux de l’existence,
Et de voir l’Amour-propre enivré de bonheur,
Dans le palais d’un homme d’importance
Dame Santé déplorait son malheur.
« Me croit-on (disait-elle) ici-bas inutile ?
» D’Épidaure au tombeau l’oracle est en oubli,
» Ma voix même est sans force, et le monde indocile
» Va prodiguant l’outrage à mon culte avili !…
» Innocence du cœur, tranquillité de l’âme,
» Consolante amitié, riante volupté,
» Richesses et vertus, patrie et liberté,
« Tout est par le mortel que l’Amour-propre enflamme
» Offert en holocauste à cette déité !
» Et l’on refuse tout, hélas ! à la Santé !
Le riche en écoutant ces plaintes légitimes
Parut touché de repentir,
Promit à la Santé de suivre ses maximes,
Et tout de bon peut-être allait se convertir,
Lorsque lui vint du prince une flatteuse épître :
A la cour il était mandé
Pour se voir décoré d’un titre
A ses vœux enfin accordé.
« Reste, dit la Santé, la goutte encore t’oppresse,
» La bise est déchaînée, et bien froide est la nuit. —
» Pars , lui dit l’Amour-propre : agile le temps fuit,
» La faveur est volage, et la gloire te presse. »
Or, l’Amour-propre triompha,
Et tout comblé d’honneurs le goutteux étouffa.
Nous sommes faits de cette sorte :
On jure obéissance aux lois de la Santé ;
Mais quand parle la vanité,
C’est toujours elle qui l’emporte.
Auguste Joseph Duvivier