Certain homme venait de quitter son village,
Et, grand train, de Paris il suivait le chemin :
La Santé ce jour-là faisait aussi voyage ;
Elle avait endossé l’habit de pèlerin.
Elle était en avant ; mais elle allait moins vite :
Le voyageur l’atteint ; il va la dépasser.
La déesse lui dit : Confrère, je t’invite
A ralentir ta fougue, à ne pas te lasser
Ainsi dès le départ. Allons de compagnie ;
De marcher toujours seul un voyageur s’ennuie
C’est en vain qu’elle parle ; il ne l’écoute pas :
Même de plus en plus il allonge le pas.
La déesse ajouta : Tu m’attendras, j’en jure ;
Je veux, avant la nuit, te voir changer d’allure.
En effet, par degrés sa force s’épuisait,
Lorsque de la Santé la marche était égale.
A chaque pas aussi que notre homme faisait,
Entr’eux, dès ce moment, décroissait l’intervalle.
Il veut toujours aller, quoiqu’il n’en puisse plus ;
Cependant ils ne sont qu’à dix pas de distance.
Suspends, dit la Santé, des efforts superflus.
Elle dit, et soudain à son tour le devance.
Attends, s’écria-t-il, je reconnais mon tort ;
Ecoute-moi, je t’en supplie.
La déesse poursuit.
Prends pitié de mon sort,
Le repentir suit ma folie ;
Me laisseras-tu seul ici passer la nuit ?
Je t’en conjure, attends ; mais la Santé s’enfuit.
“La Santé et le Voyageur”
- Jean-Auguste Boyer-Nioche, 1788-1859