On conte qu’une sauterelle,
Qui n’était pas vaine à demi,
Fit rencontre d’une fourmi,
Et crut pouvoir se moquer d’elle.
— « Comment ! courir si mal, quand on reçut des Dieux
» Six pattes à la fois ! Moi, qui n’en ai que deux,
• D’un saut je m’élance où je veux.
» Que je te plains d’être si lente!
» L’autre reprit : « Jupin me fit comme il lui plut.
» Je ne fais point de saut; mais je vais droit au but,
» Et je suis mon chemin, sans faire l’insolente. »
— » Ma petite fourmi, ne pourrait-on savoir
» Dans quel coin de la terre est placé ton manoir! »
— « A l’extrémité de la plaine. »
— « Si loin! Tu n’y seras qu’à la saison prochaine;
» Moi qui bondis si lestement,
» Je cours t’annoncer à l’instant;
» Car de toi l’on serait en peine :
« Adieu. » Disant ces mots, la sauterelle part,
S’élance à droite, à gauche, et bondit au hasard.
Par sa pétulance emportée,
Elle croit follement traverser les guérets ,
Et retombe, l’instant d’après,
A la place qu’elle a quittée.
La fourmi, cependant, avant la fin du jour,
A bon port arrive chez elle.
Le lendemain, à son retour,
Elle revit la sauterelle :
« Quoi ! vous sautillez là depuis hier malin !
» Lui dit-elle ; « c’est vous qui me cherchiez querelle !
» Insecte vagabond, ah ! retenez enfin
» Deux maximes assez communes :
» Petits pas bien suivis font beaucoup de chemin ;
» Petits gains répétés font les grandes fortunes. »
“La Sauterelle et la Fourmi