La souris, dans son trou , réfléchissant jadis
Sur le destin des chats, sur celui des souris :
Ce monde, disait-elle, est un plaisant ouvrage !
Les grands en chassent les petits ;
Chacun y signale sa rage ;
Et c’est à qui se mangera.
Le seigneur Jupiter, qu’on dit être si sage,
A bien mal arrangé cela.
Car, pourquoi, par exemple, en créant notre espèce,
A-t-il aussi créé les chats ?
Ces animaux pervers, attachés à nos pas,
Font peu d’honneur à sa sagesse.
Tout en raisonnant sur ce cas,
Dame souris se met en quête.
Une souricière l’arrête :
Autres plaintes, autre embarras.
C’est encore, dit-elle, un tour de cette engeance :
Il me faut périr sous leurs coups.
Et puis, louez les dieux d’une triste existence
Qui sert de jouet aux matous !
Un vieux rat converti, voisin de sa demeure,
S’en vint alors, et dit : Ma commère, entre nous,
Je vous entends depuis une heure
Tenir les propos les plus fous.
D’abord, votre injuste colère
S’en prend, à tort, aux chats.
Jamais chat n’a su faire
Une prison semblable à celle-là;
Ce fut l’homme qui l’inventa,
Lui, que vengent les chats de notre brigandage :
Vous souvient-il de ce fromage
Qui périt l’autre jour, ici, sous votre dent ?
Vous le voliez à l’homme ; et quand l’homme vous prend.
C’est Jupiter qui n’est pas sage.
J’ai pensé comme vous, ma commère ; mais l’âge
Est venu m’enseigner ce précepte excellent ;
Les maux dont nous voulons rendre le ciel garant
Sont souvent notre propre ouvrage.
“La Souris et le vieux Rat”