Charles Porphyre Alexandre Desains
La Statue de La Fontaine
Près de Château-Thierry se voit une carrière
Au fond de laquelle on trouva
Une énorme et brillante pierre,
Qu’avec espoir on enleva,
Ne la croyant pas la dernière.
Pourtant elle était seule, et les autres morceaux,
Loin d’être aussi grands, aussi beaux,
Pouvaient se comparer à la simple bruyère,
Ou bien au modeste églantier,
Végétant près du chêne altier,
Dont ils semblent doubler l’imposante stature.
Toujours ainsi, dans la nature,
Les petits font valoir les grands.
Le peuple champenois, frappé dans tous ses rangs
D’une inspiration soudaine,
A l’unique et bon La Fontaine,
Avec le bloc unique en son pays trouvé,
A l’endroit le plus élevé
Fait ériger une statue.
Tandis que ce vœu s’effectue,
Dans le sein de la terre avec soin ramassés,
Les fragments sans valeur, au lieu choisi dressés,
Se changent en un socle, et bientôt sur leur masse
Le bonhomme immortel à jamais prend sa place,
Près du foyer natal par sa muse ennobli.
Ainsi de notre fabuliste
Tous les imitateurs, dont si longue est la liste,
Loin de le vouer à l’oubli,
Sont nés pour rehausser sa gloire.
Telle est aussi ma propre histoire :
Faisant parler maint animal,
J’ai bégayé tant bien que mal
Quelques fables à ma manière ;
Lecteur, je le sais trop, mon livre est une pierre
Que j’apporte à ce piédestal.
Charles Porphyre Alexandre Desains, (1789- 1862)