André-Clément-Victorin Bressier
Un sot voulait passer à la postérité.
Ensemble on voit toujours sottise et vanité.
Il eut recours à la sculpture :
Un nouveau Phidias lui prêta son ciseau,
Et le fat vit sortir son ignoble figure
Du bloc de marbre le plus beau.
L’artiste, d’un tel personnage
Ne pouvant embellir l’image,
Prit soin de l’enrichir d’ornements précieux.
Le socle incrusté d’or éblouissait les yeux.
Ainsi paré, Midas par sa pompe étrangère
Dans l’atelier du statuaire
Éclipsait les rois et les dieux.
Un bon bourgeois, à la mine ingénue,
Disait un jour en l’admirant :
« Le riche bas-relief ! Quel piédestal brillant !
Sans doute d’un grand homme il porte la statue.
Est-ce un savant illustre, un prince, un conquérant ? »
De sa méprise sans pareille
Quelqu’un se prit à rire, et lui dit à l’oreille :
« Ce n’est point un savant, encor moins un guerrier ;
Ce grand homme est, mon cher, un honnête usurier. »
L’éclat que donne la richesse
Facilement séduit les sots,
Et dans le monde on prend sans cesse
Le piédestal pour le héros.
“La Statue et le Piédestal”