Une taupe fort étourdie,
Bien que déjà sur le retour.
Prenait ses ébats, l’autre jour,
Au beau milieu d’une prairie.
Elle avait joué plus d’un tour
A certain laboureur qui jurait, en son âme
, Qu’il ferait, à la bonne dame,
Bientôt boire les eaux du Styx.
Notre homme (il m’en souvient, on le nommait Félix)
Était au guet; la taupe passe,
Et, s’il n’eût pas
Fait un faux pas,
Elle était prise : au Ciel elle rend grâce,
Puis , sans y voir, court je ne sais trop où,
Trotte, et ne peut, quoi qu’elle fasse,
Trouver son trou.
Sa fille, sur la même route. Arrive et dit :
« Maman, si tu voulais,
« De guide je te servirais. »
— « Cette offre me plaît fort, sans doute,
« Répond la mère, et je l’accepterais ;
« Mais toi-même tu n’y vois goutte. »
Combien d’aveugles, en ce temps,
Vont aux rois offrir leurs lumières…
Pour Dieu, messieurs les ignorants ,
N’embrouillez pas trop nos affaires.
“La Taupe et sa Fille”