Sur les rails d’un chemin de fer
Une vache un matin s’était aventurée,
Et notre grande évaporée
S’en allait les cornes en l’air.
Un dogue l’aperçoit qui, par bonté pour elle,
Franchissant barrière et buissons,
Se jette sur ses pas, la poursuit, la rappelle,
Sans y mettre plus de façons :
« Mais où vas-tu ? lui disait-il : arrête !
Arrête donc, la malebête !
Tu cours droit te faire écraser :
Voici le train qui va croiser ! »
« Le train ? reprend notre coureuse :
Vous n’avez pas la vue heureuse ;
Regardez mieux, monsieur le chien. »
– Mais c’est le train ! c’est le train ! il arrive ! »
« Non, vous dis-je, car j’y vois bien,
Ce n’est qu’une locomotive. »
« Locomotive ou train, ta vie est en danger :
A peine as-tu le temps de déloger ! »
Ce n’était pas le train, en effet, à vrai dire ;
Et déjà d’un air qui s’admire
Elle allait démontrer l’erreur.
Quand la locomotive, ardente, inexorable,
Sur le dos de la misérable
En mugissant passe à toute vapeur.
Discuteurs éternels, quand le péril vous presse,
C’est à vous seuls que je m’adresse.
(La Vache qui discute)