Un paon vint à mourir ; il laissait après lui
Une jeune et fringante veuve.
Après la semaine d’épreuve,
Plus d’un galant s’offrît à charmer son ennui.
Par son brillant clairon le coq veut la distraire;
L’oie et le canard , tour à tour,
Nazillonnent avec amour,
Et se rengorgent pour lui plaire ;
Mais le dindon surtout prétend lui rappeler
L’époux que sa douleur regrette ;
Au défunt il croit ressembler ;
Il n’y manque en effet que sa brillante aigrette,
L’habit richement azuré,
Et des cent yeux d’Argus le cercle diapré ;
Du reste, il se pavane, il rode, et fait la roue ;
Il glousse pour la veuve, et surtout il la loue ,
Non de ses changeantes couleurs,
De sa taille élégante.
Ce qui vous soumet tous les cœurs,
Dit-il, c’est cette voix si douce et si touchante,
Cette jambe arrondie, et ce pied si parfait,
Qui dans un moule semble fait.
Dans ses amours toujours sincère.
Au toit du colombier, un honnête pigeon
Entendant ces propos, n’y tient plus, vole à terre,
Et crie au louangeur gascon :
L’éloge que tu fais ressemble à la satire ;
Aussi maladroit qu’effronté,
Pour louer, pour flatter, n’as-tu donc rien à dire
Qui ressemble à la vérité ?
— Je m’en garderai bien, répartit le coq d’Inde ,
Moins dindon qu’on ne l’aurait cru :
Éloge véridique est à peine aperçu ;
Oiseau de basse-cour, ainsi qu’oiseau du Pinde,
Doit pour réussir ici-bas
Louer surtout les gens des vertus qu’ils n’ont pas.
“La veuve du Paon, le Dindon et le Pigeon”