Alexandre Deplanck
Poète et fabuliste XIXº – La Vigne
Attachée à son mur, près d’un palais de verre
Où vivait chaudement tout un peuple de fleurs,
Une vigne jalouse exhalait ses douleurs :
« Ô vous qui me forcez à subir ce calvaire,
Disait-elle en tordant ses longs bras amaigris,
Dieu cruel ! regardez : depuis deux mois qu’il dure
L’hiver a, feuille à feuille, arraché ma parure ;
J’ai honte et froid sous le ciel gris !
Dans la serre pourtant les plantes sont si belles !…
Dieu puissant ! faites-moi transporter auprès d’elles ! »
En ce moment, le jardinier passait.
Il répondit aux plaintes de la vigne :
« Sais-tu bien, folle insigne,
Quel serait ton destin si l’on te déplaçait ?
Condamnée à fournir sans relâche et sans trêve
Les produits de ta sève,
Comme ces fleurs, que tu vantes à tort,
Tu languirais bientôt, et, bientôt épuisée,
De tes sœurs du jardin tu serais la risée…
Il faut savoir souffrir lorsqu’on veut être fort. »
La Vigne
Alexandre Deplanck, 1817-1864