L’aigle disait à l’oiseau-mouche :
« De pitié ton destin me touche,
Pauvre Insecte emplumé, 1
Myrmidon des oiseaux. 2
Il semble en te voyant que l’injuste nature
T’ait créé si petit pour souffrir tous les maux.
Le moindre grain de nourriture
Te paraît un pesant fardeau,
Et pour te renverser, chétive créature,
Que faut-il ? une goutte d’eau ! » 3
« Celui qui fait souffler l’orage,
Répondit l’autre en son langage,
Nous donne aussi de quoi lui résister :
Pour m’abattre, il suffit d’une goutte de pluie,
D’une feuille pour m’abriter.
Dans sa providence infinie,
Dieu mesure à chacun sa dose de douleur
Selon sa force ou son génie :
C’est là l’histoire du malheur,
C’est là l’histoire de la vie. » 4
“L’Aigle et l’Oiseau-Mouche”
Commentaires sur la fable par l’Abbé O. Meurisse :
1 Insecte emplumé, heureuse et frappante alliance de mots qui montre bien la pitié dédaigneuse de l’aigle. Le roi des oiseaux parle comme le lion, roi des animaux (Le Lion et le Moucheron, de La Fontaine), et comme le chêne, roi des arbres (Le Chêne et le Roseau).
2 Myrmidon des oiseaux, antonomase, pour dire le plus petit des oiseaux. Les Myrmidona (du grec fourmi) étaient un peuple d’origine grecque et d’une taille excessivement petite.
3 On sent que le poète, dans ces vers, marche sur les traces de La Fontaine : ce n’est qu’une belle et gracieuse imitation de la fable du Chêne et du Roseau.
4 En effet, Dieu, comme il le dit lui-même à l’apôtre saint Paul, mesure toujours sa grâce sur les épreuves, et la donne suffisante : Sufficit tibi gratia mea (II Ép. aux Corinthiens, XII, 9 ).
C’est la dernière leçon que nous recueillons en terminant ce choix de fables. Puissent tous ceux qui la liront s’en souvenir tous les Jours de leur vie ! Elle les consolera et les empêchera de défaillir.