Émile Pagès ou Louis Bergeron
Journaliste, écrivain et fabuliste XIXº – L’Alguazil et l’ouvrier
Imitation de la fable de Lafontaine : Le Loup et l’Agneau
La raison d’un mouchard est toujours la meilleure
Nous l’allons montrer tout-à-l’heure.
Naguère un ouvrier flânait
Non loin de l’auguste cortège.
Survient un beau Monsieur que Delessert protège
Et que la soif de l’ordre en ces lieux attirait :
« Pourquoi viens-tu troubler ici la paix publique ? »
Dit d’un ton fort brutal
Cet animal,
En brandissant sa longue trique.
« Tu seras châtié de ta témérité.
— » Mon général, que votre majesté
» Ne se mette pas en colère, »
Dit l’ouvrier, « mais qu’elle considère
» Que je m’en vas me promenant
» Bouche close et le nez au vent,
» Loin du monarque et de son entourage ;
» Et que, par conséquent, l’aspect de mon visage
» Ne peut troubler en aucune façon
» La royale digestion.
» — Tu la troubles, reprit le fougueux Gisquetaire,
» Et je sais que du roi tu médis l’an passé.
» — Comment l’aurais-je fait sans être pourchassé
» Et pincé ? »
Lui répondit le prolétaire.
— « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
— » Je n’en ai pas ! — C’est donc quelqu’un des tiens ;
» Car vous ne nous épargnez guère,
» Vous et les journaux vos soutiens.
» Delessert me l’a dit : Oublier une injure,
» C’est du gouvernement trahir les intérêts. »
Là-dessus il l’empoigne, appelle une voiture
Et le coffre à la préfecture
Sans autre forme de procès.
Émile Pagès ou Louis Bergeron