Sur un ormeau
Chantait une Fauvette,
Lorsque sur le même rameau,
Vint se percher une Alouette.
Celle-ci dit à celle-là :
— « Sur cet arbre, que fais-tu là ?
Viens avec moi, fends les airs, suis mes traces ;
Nous nous perdrons dans le sein des espaces.
Et là, voguant dans la céleste mer,
Je t’apprendrai des accords ineffables,
Au prix desquels les tiens sont misérables,
Et qui retentiront au delà de l’éther.
Ta voix est, je le sais, trop faible et trop bornée,
Pour que je puisse avoir une rivale en toi ;
Mais si le sort t’a condamnée
A ne pouvoir t’élever jusqu’à moi,
Du moins par mes avis, tu pourras, ma petite,
Obtenir un certain mérite. »
— « Cet espoir est flatteur, et ce soin obligeant,
Je vous en sais bon gré, repartit la Fauvette :
Mais l’accepter serait être indiscrète,
Car pour vous l’insuccès serait trop affligeant,
Et vous obtiendriez fort peu de réussite.
Gratifiez plutôt de vos bonnes leçons,
Quelqu’un qui mieux que moi de ce bienfait profite ;
Et dans ce pré que l’indulgence habite,
Laissez-moi gazouiller mes légères chansons.
A vous suivre, en effet, je manquerais d’haleine.
J’aime tous ces oiseaux qui sont mes auditeurs,
Et voudrais que mes sons parvinssent à leurs cœurs.
De cet arbre, du moins, chacun m’ouït sans peine.
Je crois votre talent sublime et sans égal ;
Mais c’est sur votre foi, car mes humbles oreilles
Jamais encor de ces rares merveilles
N’ont pu goûter l’agréable régal.
Quand vous chantez, c’est toujours dans la nue.
Je n’ai garde avec vous de vouloir faire assaut.
Ce n’est pas mon désir de m’envoler si haut ;
Je chante pour être entendue. »
Cette Fauvette-là raisonnait de bon sens.
Quiconque ne veut pas aux vents
Que sa parole soit jetée,
Doit sentir, avant tout, que, pour parler aux gens,
Il faut se mettre à leur portée.
“L’Alouette et la Fauvette”