Jean de La Fontaine
Poète, moraliste et fabuliste XVIIº – Livre 12 – L’Amour et la Folie
Tout est mystère dans l’Amour,
Ses flèches, son Carquois, son Flambeau, son Enfance.
Ce n’est pas l’ouvrage d’un jour
Que d’épuiser cette Science.
Je ne prétends donc point tout expliquer ici.
Mon but est seulement de dire, à ma manière,
Comment l’Aveugle que voici
(C’est un Dieu), comment, dis-je, il perdit la lumière ;
Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien ;
J’en fais juge un Amant, et ne décide rien.
La Folie et l’Amour jouaient un jour ensemble.
Celui-ci n’était pas encor privé des yeux.
Une dispute vint : l’Amour veut qu’on assemble
Là-dessus le Conseil des Dieux.
L’autre n’eut pas la patience ;
Elle lui donne un coup si furieux,
Qu’il en perd la clarté des Cieux.
Vénus en demande vengeance.
Femme et mère, il suffit pour juger de ses cris :
Les Dieux en furent étourdis,
Et Jupiter, et Némésis,
Et les Juges d’Enfer, enfin toute la bande.
Elle représenta l’énormité du cas.
Son fils, sans un bâton, ne pouvait faire un pas :
Nulle peine n’était pour ce crime assez grande.
Le dommage devait être aussi réparé.
Quand on eut bien considéré
L’intérêt du Public, celui de la Partie,
Le résultat enfin de la suprême Cour
Fut de condamner la Folie
A servir de guide à l’Amour.
Analyses de Chamfort
V, 7. Comment l’aveugle que voici.
La Fontaine suppose que l’amour est là , et lui tient compagnie. Cela devrait être, quand on écrit une fable aussi charmante que celle-ci.
V. 8. (C’est un dieu.).
Cette parenthèse est pleine de grâces, et les deux vers suivants sont au-dessus de tout éloge.
V. 9. Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien ? J’en fais juge un amant, et ne décide rien.
Est-ce un bien, est-ce un mal, que l’amour soit aveugle ? Question embarrassante que La Fontaine ne laisse résoudre qu’au sentiment.
Toute cette allégorie est parfaite d’un bout à l’autre : et quel dénouement ! Est-ce un bien , est-ce un mal que la folie soit le guide de l’amour ? C’est le cas de répéter le mot de La Fontaine :
V. 10. J’en fais juge un amant, et ne décide rien. (L’Amour et la Folie)
Commentaires de MNS Guillon
PRÉCIS du dialogue de Louise Labé, intitulé : Débats de Folie et d’Amour. A la suite d’une dispute très-vive entre l’Amour et la Folie, celle-ci tire les yeux au fils de Venus , et les lui bande.
Sujet du premier discours. L’Amour désespéré va cacher sa honte loin de l’Olympe. Venus le rencontre : elle essaie de dénouer la bande; niais les nœuds sont indissolubles. Vénus : allons , mon fils, vers Jupiter, et lui demandons vengeance de cette malheureuse.
Second discours. Jupiter ne veut point condamner la Folie sans l’avoir entendue ; elle est appelée : la cause se plaide solennellement devant le consistoire des Dieux. Mercure accepte l’emploi de défenseur de la Folie ; Apollon se charge de la cause de l’Amour.
Après un long plaidoyer, où les traits d’esprit les plus fins percent à travers les subtilités d’une érudition sans goût, selon le style de ce temps-là, Jupiter prononce cet arrêt: Vous commandons vivre amiablement ensemble , sans vous outrager l’un l’autre , et guidera Folie l’aveugle Amour, et le conduira par-tout où bon lui semblera.
Louise Labé, surnommée la belle Cordière. Lyon, édit. de Duplain, 1762, I vol. in-12 ) — Mais ces vers :
1) Comment l’aveugle que voici, ( C’est un Dieu ) comment, dis-je, il perdit la lumière :
Quelle suite eut le mal qui peut-être est un bien.
J’en fais juge un amant, et ne décide rien.
Ces vers n’ont point eu de modèle, et trouveront difficilement des imitateurs.