LA Mort, la pâle Mort, aux mains toujours avides,
L’œil morne,harassée,enfin n’en pouvant plus;
Assise sur un tronc,sous des rochers arides,
D’arbrisseaux,de gazon,de mousse dépourvus;
Se reposait, prenait courage,
Et vers des bords fleuris méditait un voyage,
.Quand l’Amour partit à ses yeux!
(Ce dieu, comme la Mort, fréquente tous les lieux).
—Ah! comment,vous voilà ! dit la Mort au volage !
Nous nous rencontrons rarement !
—Quoi ! répondit l’Amour,vous marchez sur ma trace,
Et souvent à la même place
Nous arrivons tous deux presqu’au même moment !
Trop de fois même encor vous frappez, Mort traitresse !
Long-temps avant que je paraisse !
—Mais pourquoi ce courroux ? Du destin, vous et moi,
Repart l’affreuse Mort, nous remplissons la loi :
Si cette faux détruit, votre feu régénère ;
Comme la Mort sans vous serait sans ministère,
De même sans la Mort vous seriez sans emploi.
—Eh bien ! lui dit l’Amour, riant de sa colère,
Soyons amis ! Allez ! reprenez votre faux ;
Allez porter le deuil sur maint et maint rivage;
Et moi, pour réparer vos maux,
Toujours fêté, toujours volage,
Je vais me signaler par d’aimables travaux !
“L’Amour et la Mort”