La triste Mort fut appelée ;
Elle accourut. Le tendre Amour,
En même lieu nécessaire à son tour,
Y fut appelé tout de même.
Partout on meurt, partout on aime.
Les voilà donc tous deux partis,
Non ensemble et de compagnie,
Elle eut été mal assortie.
Il fallut cependant avoir même logis.
On était en rase campagne :
Un seul gîte s’y rencontra.
Comment faire ? Quelle compagne
Pour Cupidon ! L’enfant se rassura :
A côté d’elle il prend sa place,
Pose ses flèches, se délasse,
Le vieux squelette en fait autant.
Leurs traits se mêlent. Cependant,
Quand il fallut se mettre en route,
L’Amour, qui parfois ne voit goutte ,
Sans y regarder de si près,
Du fantôme saisit les traits,
Lui prit ceux de l’Amour. En bref, ils se parlèrent.
« Adieu. — Bonjour. Puis ils se séparèrent.
La Mort allait immoler un vieillard
Riche, bourru, mourant trop tard
Au gré d’une épouse gentille.
Amour était chargé d’attendrir une fille
Qui, jeune, aimable, et de plus d’un amant
Méprisant les soupirs, vivait tranquillement.
Chacun lança son trait d’une main irritée.
Mais dieux ! le vieillard aime, et dans le monument
La jeune insensible est portée.
L’on rit et l’on pleura du double événement.
Tel contre-temps se renouvelle encore ;
Nul âge ne nous met à l’abri du trépas,
Le jour s’éteint pour nous souvent dès son aurore ;
La vieillesse n’empêche pas.
“L’Amour et la Mort”