Flatté d’une grande victoire,
L’Amour égaré dans un bois ,
Admirant tour-à-tour ses traits et son carquois,
Se rappelloit les titres de sa gloire.
La voilà , disoit-il , captive dans mes fers ,
Cette fière Beauté qui bravoit ma puissance !
On n’oppose à l’Amour que vaine résistance.
Sur la terre, au ciel, dans les mers,
Oui , tout ce qui respire
Reconnoit mon empire ;
Je suis le Dieu des Dieux.
Ainsi parloit l’Amour ; lorsqu’un vieillard affreux
Parut soudain : dans sa main menaçante ,
Il portoit une faulx de sang encor fumante ;
C’étoit le Temps. Qu’il est à redouter,
Ce vieillard , dont les coups ne peuvent s’éviter !
L’enfant ailé le brave ; et sa main téméraire
Veut le percer d’un trait : le Temps lève sa faulx;
Cette faulx qui souvent fait pâlir les héros .
L’Amour saisi d’effroi revole vers Cythère ;
Les yeux baignés de pleurs , devant toute sa cour,
Il s’écrie : ô ma mère !
Le Temps est vainqueur de l’Amour.
(L’Amour et le Temps) – C.R – Almanach des Muses – 1795.