Sa majesté Lionne étant en belle humeur,
Et voulant dissiper l’ennui de la grandeur,
Manda chez elle un Ane éveillé, plein de grâce,
Le prit à son service, et l’admit à l’honneur
De l’accompagner à la chasse.
Le roi des animaux voulait, en giboyant,
Être suivi d’un cor, dont le son effrayant
Donnât l’alarme aux gens, à lui la comédie.
Trompette renommé, Misène d’Arcadie,
L’Ane devait enfler sa redoutable voix,
Et semer la terreur chez les hôtes des bois.
Les voilà l’un et l’autre en quête.
Aliboron, tout fier de son emploi nouveau,
Portait l’oreille droite, et, relevant la tête,
Des arbres les plus hauts semblait toucher le faîte.
Il se croyait déjà devenu Lionceau.
Un Baudet le rencontre… Aurais-je la berlue?
Il a fait, pour un Ane, un fort joli chemin.
Approchons-nous. Bonjour, mon illustre cousin !
Puisqu’un le hasard te présente à ma vue,
Permets que je t’embrasse et que je te salue.
Insolent ! porte ailleurs tes pas,
Répond le parvenu, suffoquant de colère;
Respecte Aliboron, et ne lui parle pas,
Car ce ton familier commence à lui déplaire.
Le Baudet se tint en arrière, Et dit tout bas :
D’un sot j’attendais cet accueil.
Une dignité passagère
L’enfle d’un ridicule orgueil ;
Mais vainement il se pavane !
Il a beau se produire à la cour du Lion,
Et se faire nommer seigneur Aliboron,
Il ne sera jamais qu’un Ane.
“L’Ane chassant avec le Lion”