On est bien bon de se casser la tête
Pour le public, disoit certain auteur :
Indifféremment il achète
Un mauvais livre, ainsi que le meilleur,
Et souvent même il préfère le pire.
Quelqu’un rabattit son caquet,
En lui disant ce que je rais vous dire.
Un rustre , à son pauvre Baudet,
En lui donnant chaque jour sa pitance,
Disoit et redisoit : mange, sot animal,
Mange du foin, puisque dès ta naissance.
Tout aliment te fut égal.
Il faut bien se remplir la panse ,
Lui répond l’Âne enfin : oui, j en mange en effet ;
Mais donne-moi du grain en abondance,
Et tu verras si je suis satisfait
De ma nourriture ordinaire :
Monsieur l’auteur , cet Âne est le vulgaire.
“L’Âne et son Maître”
- Jean-Espérance-Blandine de Laurencin – 1733 – 1812