Maître âne fut un jour choisi par le lion
Pour l’aider à porter le poids de la couronne.
En ce temps-là sa majesté lionne
Radotait quelque peu, dit-on.
A peine de l’État l’âne eut pris le timon,
Que ne songeant qu’à soi, d’ailleurs plein d’ignorance
Comme tout maître Aliboron,
Il forma maint projet rempli d’extravagance ;
Se réserva tout le chardon
Du canton ;
Changea les lois, fit un code à sa guise.
Quel code ! un vain fatras de grotesque jargon,
Un chef-d’œuvre de balourdise,
Aux fripons, aux méchants, donnant toujours raison.
Mais où brilla l’esprit de l’âne,
Ce fut au choix qu’il fit d’animaux sans talents
Pour remplir les postes vacants.
Ses confrères, gens lourds, gens à grossier organe,
Furent élus ambassadeurs.
Le lièvre tourmenté de paniques terreurs,
Eut la conduite de l’armée ;
A l’emploi d’espion la taupe fut nommée ,
La taupe qui n’y voit pas plus que dans un four ;
Le singe, jusqu’alors simple bouffon de cour,
Fut élu chef de la justice ;
Le loup brigand eut la police.
Enfin, mettant le comble à tant d’absurdités,
L’âne choisit pour faire les traités
La marmotte, qui dort la moitié de l’année.
Tant que la nation fut ainsi gouvernée,
Tout alla mal, en guerre comme en paix.
Le lion perdait sa puissance,
Si la mort n’eût surpris le plus sot des baudets
Au milieu de ses grands projets.
Que de maux peut d’un seul produire l’ignorance,
Quand il a le pouvoir en mains !
Rois, vos intérêts sont les nôtres :
Ne confiez aux sots vos droits ni vos destins ;
Un mauvais choix toujours en entraine mille autres.
“L’Ane Ministre”