Si le voyage instruit, comme il n’est pas douteux,
Disait Aliboron, en dressant les oreilles,
Je puis vous conter des merveilles ;
Car je viens d’en faire un fameux.
On entoure mon âne, on s’empresse, on écoute.
Il divague en braillant ; fait un pompeux récit.
Nul auditeur sur ce qu’il dit,
N’ose élever le moindre doute.
Il bavarde à tort à travers.
On croirait qu’il a fait le tour de l’univers.
Or, devinez en cent; or, devinez en mille,
De quel voyage revenait
Le baudet.
A son joug attaché, d’un pas grave et tranquille,
Un bandeau sur les yeux, tel qu’on nous peint l’Amour,
Il avait d’un grand puits fait mille fois le tour.
Ah! combien d’ignorants, pendant un long voyage,
Ayant même les yeux ouverts,
N’en apprirent pas davantage;
Et passent, comme lui, pour des gens fort experts!
“L’Âne voyageur”