Étienne Fumars
Poète et fabuliste XVIIIº – L’Ânon
Tout est joli dans la verte jeunesse.
Un ânon bondissant
Déployait dans un pré sa vive gentillesse.
Pour l’approcher venait-on doucement,
Notre espiègle aux aguets, le nez sur la prairie,
Vous laissait arriver, mordant l’herbe fleurie,
Et zeste, le malin partait en gambadant.
Voyait-il un coursier, il sautait au-devant,
Le saluait des deux pieds de derrière,
Même parfois un peu trop poliment.
Bref il était un très-aimable enfant.
Sa mère l’admirait ; et quoique d’ordinaire
Une ânesse ne manque guère
D’amour-propre, de bonne foi,
Elle croyait avoir fait plus joli que soi.
« Mon fils est un cheval ; il est bien davantage.
Qui sait ce qu’il sera ? Que Dieu lui prête l’âge,
Et nous verrons !… » Les ânes d’alentour,
Gens très-galants et qui faisaient leur cour,
Exagéraient encore et la grâce légère,
Et l’air vif du mignon, et ne manquaient de braire
Qu’il était un Zéphyr, un prodige, un Amour.
Mères, sur vos enfants vous ne sauriez vous taire.
Et votre sot babil a d’abord son effet ;
On vous l’assure, ils sont, ils seront des merveilles.
Hé ! croyez-moi, l’ânon est leur portrait :
Le Zéphyr devient lourd, l’Amour prend des oreilles,
Et le prodige est un baudet.
Étienne Fumars, L’Ânon