Se croyant sans témoins, le berger Golinet
Dans un pré bien touffu conduisit son baudet,
Où le gaillard trouva de quoi paître à son aise.
On doit juger si le régal fut bon !
Il s’en donna, Dieu sait ! Mais voici maître Biaise ;
Dans son pré qu’il ravage il aperçoit l’ânon,
Et, s’armant soudain d’un bâton,
Il fond sur l’animal, il le rosse, il l’échine.
L’ânon, les pieds en l’air, lui crie : « A quel propos
Me frapper de la sorte et me rompre l’épine
Du dos ?
Un pareil traitement a droit de me confondre ;
Suis-je ici venu seul ? C’est Golinet, c’est lui
Qui, le fouet a la main, m’amena paître ici :
Que ne lui parlez-vous ? Il pourra vous répondre. »
Mais le berger s’étoit enfui.
« Tu vas payer pour ton complice,
Répond Biaise, en frappant de nouveau sur l’ânon. »
Il expira sous le bâton….
C’est ainsi trop souvent que les grands font justice.
“L’Anon”