Richaud-Martelly, Honoré Antoine
Poète, et fabuliste XVIIIº – L’Après-diner des Oiseaux
Dans ces beaux jours d’automne où la verdure
Conserve encor quelque fraîcheur,
Où les Oiseaux doivent à la nature
Une abondante nourriture
Ils chantaient gaîment leur bonheur.
Dans une plaine et sous l’ombrage,
Rassemblés aptes leur repas,
De tous les jeux inventés au village
Ils se retracèrent l’image,
Et le plaisir n’y manqua pas.
Le Perroquet, et le Merle et la Pie
Faisaient des contes dans un coin,
Contes un peu gaillards (il faut bien que l’on rie)
Jeunes Oiseaux n’écoutaient que de loin.
Sans se disputer l’avantage,
Le Rossignol et le Serin
En duo mêlaient leur ramage,
Et chantaient un nouveau refrain.
D’un clair ruisseau qui gagnait la prairie,
Le Cygne, sous son aile, apportant ses enfants ,
Pour leur montrer tous ces jeux inoccents ,
Vint se joindre à la compagnie.
La course amusait les Perdreaux,
Cherchant dans leur plaisir un exercice utile.
Un peu plus écartés, de jeunes Tourtereaux
Jouaient à cache-cache. Il n’est pas difficile
De penser que les amoureux
Dans ce jeu trouvaient d’autres jeux.
Aux quatre coins, jeunes Poulettes,
Occupaient un Coq déjà vieux.
Jeune Coq , à son tour, occupa les coquettes :
On dit qu’elles s’en trouvaient mieux.
Moineaux fringants lutinaient des Fauvettes,
Des Linottes, des Alouettes :
Tout allait bien, chacun était content.
Un Vautour dont heureusement
La faim se trouvait assouvie,
Sans se faire annoncer se met de la partie,
Et veut s’amusera son tour.
Le refuser! Il y va de la vie.
Comment éconduire un Vautour!
Mais voilà que certaine Pie
Qui, pour parer le coup, réfléchit à l’écart
Lui dit : « Seigneur, je vous en prie,
Essayez du colin-maillard »
Un jeu charmant, dont l’exercice
Peut vous remettre eu appétit. »
A ces mots, le Vautour croit, en oiseau d’esprit,
Faire un bon choix : il le fit par malice.
Chacun frémit.
Feuillage sur feuillage
Couvre bientôt les jeux de monseigneur.
La Pie arrange tout l’ouvrage,
N’épargne point les nœuds. Chacun reprend courage,
Et voit avec plaisir aveugler Sa Grandeur.
« Vous pouvez chercher, lui dit—elle,
C’est fait.» La troupe, à tire-d’aile,
S’en fuit au loin. Le Vautour, occupé,
Va, vient, court, vole, tâte, appelle ;
Il retrouve la faim, mais il perd son soupe.
Bonnes gens, vos plaisirs sont les seuls que j’envie :
Craignez que quelque grand ne veuille y prendre part.
S’il vient, souvenez-vous de ce qu’a fait la Pie :
Offrez-lui le colin-maillard.
L’Après-diner des Oiseaux
Richaud Martelly, Honoré Antoine : 1751 – 1817
¹Cette fable , imprimée en 1788, a pu inspirer à Florian l’idée des Singes et du Léopard : c’est à peu près le même sujet avec dés acteurs différents.