Jean-Jacques Porchat-Bressenel
Muse, un moment prenons haleine,
Et parlons un peu, s’il vous plaît.
Ah ! pauvrette, qu’avons-nous fait ?
Des fables après Lafontaine !
C’est hasarder beaucoup, diront les connaisseurs.
Ecoutez nos graves censeurs :
Lafontaine a tout dit, et nous devions nous taire!
Faut-il que l’apologue ait lui seul pu vous plaire?
Sur la scène, amant des bravos,
Après Racine, après Corneille,
Un auteur ose encore immoler un héros ;
Mais le loup dévorant de l’agneau qui sommeille
Ne doit plus troubler le repos.
Direz-vous que nourrie au sein de la nature
Vous avez su, même aujourd’hui,
Tracer quelque naïve et nouvelle peinture?
On croit peu le plaideur qui décide pour lui.
On vous demandera les pièces à l’appui :
Où les prendrez-vous? Je l’ignore.
Arrêtez donc, ma Muse; il en est temps encore;
Craignez qu’un frondeur inhumain….
Elle n’écoute plus, et, me tendant la main,
Sourit, prend sa course et m’appelle :
A mon guide soyons fidèle,
Dût-il m’égarer en chemin!
“L’Appel et la Muse”
- Jean-Jacques Porchat-Bressenel 1800 – 1864