Christian Satgé
Fabuliste contemporain – L’Araignée aimant à règner
Pour mieux gouverner la pièce où elle se calfeutre,
Dame Aragne, semble-t-il toujours en sommeil,
Se fit journaliste et, voulant jouer la neutre
Sa parole étant moins d’or que sombre vermeil,
Pour joindre le futile au plus désagréable,
Elle ne pointa pas aux potins éhontés
Mais plutôt aux crapauds écrasés, aux aimables
Nécro’ d’humbles Sans-Crocs,… Souveraine bonté !
Ainsi notre éveillée au coin du feu, déluge
D’éloges la mouche, édile des beaux plafonds,
La chenille hirsute qui s’égare au refuge
Où elle trame sa toile, piège profond ;
Elle encense aussi le frelon félon qui fête
Son entrée dans l’antre des hommes qu’il effraie,
Mais qui, las, tuent le taon avec des choses faites
Pour que tous passent de vie à très plat sans frais.
De la belle effacée, on soupçonne traîtrise :
Perdue dans ses saisons, tapie dans ses raisons,
Certains lui reprochent son manque de “franchise”
Cette méchanceté gratuite en frondaison
Qu’on croit vertu si on a de l’esprit qui tique.
Pour elle, ce n’était là que mauvaise foi,
De gens ayant bonne conscience et sceptiques ;
En bref, fadaises et foutaises à la fois !
Moucherons et mites, haut, disaient pis que pendre
De l’araignée. Cette engeance-là s’honorait
Toujours de n’être de l’avis qu’on peut prétendre
“Général” mais hélas n’absolvait de ses traits
Personne qui aurait semblé ne pas se rendre
À ses raisons : une tisseuse, hélas, ça tue
Pas besoin d’en dire plus, ni plus long apprendre ;
Si tu l’approches trop, dans l’instant, t’es foutu !
Pour les mouches, on se gâchait de bons moments
Par les plus mauvais des raisonnements : l’Aragne
Calomniée devint leur amie, bruyamment.
Puis la bonne dame qui, pour rien, n’avait la cagne,
Gardant gaieté austère et face toujours lisse,
Goba ses zélateurs pris dans ses blancs filets.
Quand l’araignée, même la plus amène, tisse
Toute mouche se doit, aussitôt, de filer !
Christian Satgé
*Voir d’autres fables de Christian Satgé sur son Blog : Les rivages du Rimage