Étienne Fumars
Poète et fabuliste XVIIIº – L’Arc et l’Enfant
Un enfant d’humeur despotique
(C’est le mal de tous ceux qui n’ont pas de raison)
Faisait un arc, dit-on,
D’un bois fort élastique.
« Je veux en y touchant rien que du bout du doigt,
« Si je lui dis : partez, que la flèche docile,
« Plus loin que l’œil ne voit,
« Atteigne dans les airs l’oiseau le plus agile. »
Il pèse sur le bois, il pèse ; c’est en vain ;
Tour à tour il essaie et l’une et l’autre main.
Le bois résiste : alors contre une pierre
L’enfant l’appuie avec effort.
Le bois gémit ; l’enfant le serre,
Veut le faire plier, le serre enfin si fort
Que l’arc subitement, déployant son ressort,
Se redresse, le frappe, et l’enfant est par terre.
Rois, votre peuple est l’arc, et vous êtes l’enfant.
Si vous le courbez trop, craignez sa violence.
L’extrême assujettissement
Finit, et tout à coup, par l’extrême licence.
Étienne Fumars, L’Arc et l’Enfant