Fables analysées , ou analyses littéraires de MNS Guillon, 1803
L’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits
L’astrologie diffère beaucoup de l’astronomie. L’astronome est celui qui, d’après des principes sûrs, observe le mouvement des astres : cette science est vraie. L’astrologue se mêle de prédire les événements par le moyen des astres : cette science n’est que conjecturale ; elle a contre elle la raison et l’expérience.
(1) Un Astrologue un jour se laissa cheoir. L’histoire peut revendiquer le sujet de cet apologue. On lit une anecdote semblable dans la vie du philosophe Thalès. (V. Diog. Laert. Fénélon, Vies des Anc, Phitos. p. 16. éd. in-12. Paris I740.)
(2) Parmi ce que. Ce mot est répété jusqu’à trois fois, à très-peu de distance l’un de l’autre. Parmi l’antiquité, est un solécisme. Parmi demande toujours un pluriel. Ce sont là de ces légères inadvertances qui échappent dans la chaleur de la composition, mais qui n’ôtent rien aux droits du génie.
Ubi plura nitent in carmine, cnr ego paucis
Offendar maculis, quas aut incuria fudit,
Aut humana paru m cavit natura ?
(3) Mais ce livre qu’Homère et les siens ont chanté. Le livre du Destin, où sont consignés ces immuables décrets qui enchaînent jusqu’à la toute-puissance de Jupiter. Père des Dieux et de la poésie, qui en est une sublime émanation, Homère passe pour avoir créé cette doctrine, introduite depuis sur tous les théâtres (*), admise par les philosophes eux-mêmes (**), transportée dans la religion de la plupart des peuples de l’Orient (***).
L’illustre Pope a dit dans le même sens que notre poète : Heav’n from all créatures hides the book of fate.
(Essay on Man. Epist. I.) Le livre du destin pour Dieu seul est ouvert.
(Traduction de Duresnel. )
(4) Quant aux volontés souveraines , etc. Que de beautés répandues dans ce morceau ! La philosophie ne parla jamais un langage plus grave ni plus noble sous la plume de Gicéron, d’Aulu-Gelle, de Plutarque, de ce Platon même, qui fut si justement appelé l’Homère des philosophes. La Fontaine a su revêtir des plus sublimes images les raisonnemens que ces grands hommes opposent à cette inquiète et coupable curiosité, qui veut attenter sur les secrets du ciel. Ces sortes de questions n’étaient point étrangères au temps où écrivoit La Fontaine.
(5) Aurait-il imprimé sur le front des étoiles
Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ? On peut mettre ces deux vers au nombre des plus Beaux qu’il y ait dans la langue française. La pensée en est juste ; l’expression grande , riche, admirable. Quelle supériorité ces Brillantes métaphores donnent à la poésie sur la prose ! Comparez à ces magnifiques peintures le chapitre d’ailleurs si beau de Charron, sut le même sujet. (Sagesse,Ch.VI.nQ.6.)
(6) A quelle utilisé? L’usagé, ce maître impérieux du langage, est contraire à cette manière de parler. On diroit à quelle fin, ou pour quelle utilité. Les convertir en maux devant qu’ils soient venus. Devant né se met plus au-devant de que ; il faudrait avant qu’ils ne soient venus. Mais ce ne sont pas là des fautes. Peut-il y en avoir dans une poésie si majestueuse et si éloquente ? Le chevalier d’Aceilly a dit de même avec autant de finesse que de naïveté :
Par la grâce du ciel ils ne sont pas venne
Ces maux dont vous désignez les rigueurs inhummaine
Mais qu’ils vous ont donné de peines,
Ces maux que vous n’avez point eus !
(7) Au sort toujours divers. Cette expression a vieilli dans ce sens : c’est une perte pour la langue. Un auteur moderne (M. Lebrun), avait appelé Voltaire auteur unique et divers. M. Clément, dans Tome I.
(*) Eurip. dans ton Protneth. v. 5 13. Eschile dans Platon, Repubi L. II. Casaubon, notes sur Aristoph. [ Equites , vers 443. ]
(**) Plato, Repubi. L. X. – Le destin est la parole de la vierge Lachesis, fille de la nécessité. »
(***) Sous le nom de Nassib.