Jusqu’au vil roitelet dans ce vaste univers,
Quoi ? tout être emplumé pourra fendre les airs ?
Et moi que la nature en naissant pourvut d’ailes
Si grandes et si telles,
Je ne puis que courir, si toutefois, hélas !
Courir ainsi c’est bien ne ramper pas.
Suis-je de l’espèce reptile
Ou de la classe volatile ?
Levons, levons pour nous ce doute injurieux,
Et sillonnons les airs même en dépit des dieux ;
Noble émule de l’aigle osons suivre ses traces :
Non moins puissant que lui
Nous pouvons, soutenu de notre propre appui,
Traverser les mêmes espaces,
Et même du soleil aborder le séjour.
Ainsi parlait certaine autruche un jour ;
Et pour ne laisser pas plus long-temps suspendue
De son hardi projet la résolution
Ou plutôt l’exécution,
Au haut d’un roc dominant sur la nue
Elle galope, et là dans la vague de l’air
Nouvel oiseau de Jupiter
Avec force s’élance,
Assez heureusement quelque temps se balance,
Et fière du succès s’applaudit de voler :
Mais courte erreur ! bientôt elle se sent rouler
Dans les flots de l’Ether par sa masse entraînée ;
Et dans sa chute en vain cherchant à s’accrocher
La pauvre infortunée,
Tombe et va se briser sur le pied du rocher :
Sort malheureux, et que doit toujours craindre
Quiconque veut, plus haut qu’il n’est, atteindre.
“L’Autruche ambitieuse”