Je vais voler, je vais voler ! criait la gigantesque Autruche , et dans l’instant la foule des oiseaux s’assembla autour d’elle dans la plus vive attente. « Allons, je vais voler! » dit-elle encore une fois. Elle étend ses grandes ailes, s’élance, et parait semblable à un vaisseau dont les voiles sont déployées; mais ses pieds ne quittent pas un instant la terre.
C’est ici une peinture poétique de ces têtes froides qui, dans les premières lignes de leurs monstrueuses odes, étalent des ailes orgueilleuses , menacent de s’élever au-dessus des nuées et des astres, et qui cependant sillonnent constamment la poussière.
- Dorat a bien rendu la fable de l’Autruche en vers , exauçant ainsi le souhait de Lessing
Rangez-vous tous, je vais voler,
Criait une Autruche pesante ;
Et les oiseaux de reculer
Dans la plus curieuse attente.
Allons, suivez-moi bien des yeux,
Vous verrez si je tiens parole
Je vais fendre l’azur des cieux;
C’est pour le coup que je m’envole.
Gare! gare!…. en disant ces mots,
Que sifflent l’Alouette et quelques Hirondelles,
Elle étend lourdement ses ailes,
Trop courtes de moitié pour des projets si beaux.
Infructueux efforts! Cramponnée à la terre.
Ses pieds servent mal ses projets;
Elle sillonne la poussière,
Et s’agitant toujours, ne s’élève jamais.
Ces disgrâces sont ordinaires,
Et chez le peuple auteur on ne voit que cela.
Combien d’autruches littéraires
Disent je vole, et restent là!
” L’Autruche”