Un habile nageur se baignait dans la Seine.
Feignant de ne pouvoir se soutenir qu’à peine,
Voici que tout-à-coup il se met à crier :
Au secours ! je me noie ! Un brave marinier,
Qui travaillait non loin, à ce cri de détresse,
Sans le moindre retard, s’empresse
D’accourir avec son bateau.
Jugez de sa surprise : il le voit en pleine eau
Fendre les îlots d’un bras agile,
Sur son dos rester immobile,
Puis, lui faire la nique avec un ris moqueur.
Tout confus d’être ainsi dupe de son lion cœur,
Il s’en retournait sans mot dire,
Lorsque subitement par des crampes surpris,
Notre mauvais plaisant, cette fois non pour rire,
S’agite et fait ouïr de plus belle ses cris.
Bien vaine alors fut sa requête.
L’obligeant batelier, qui, d’un coup d’aviron,
L’eût pu certes sauver des eaux de l’Achéron,
S’en alla doucement sans retourner la tête.
Qu’il dise ou non la vérité,
Le menteur reconnu n’est jamais écouté.
“Le Baigneur et le Marinier”