Balai de jonc, balai de paille,
Balai de plumes ou de crin, —
Vers quel rendez-vous clandestin
La sorcière, faut-il qu’elle aille,
Chevauchant son balai de jonc,
De crin, ou de paille, ou de plumes, –
Au ciel pas un rayon
De lune,
Et, au milieu de la nuit brune,
(Mais comment s’y dirigeait-on ?)
Tenant avec précaution.
Dans son chaudron,
En équilibre.
Tenant plusieurs litres
De philtre,
A consommer avant le petit jour,
Plusieurs litres de philtre pour.
Ou pour la haine ou pour l’amour.
Qu’il y ait encor des sorcières,
Et des sabbats
Dans la clairière,
Autour des chaudrons, des chaudières,
Où l’enfant nouveau-né, le crapaud, et le chat,
Et cœtera, et cœtera,
Cuisent selon quelque recette singulière,
Ce n’est pas ça, ce n’est pas ça,
Qui nous étonne ou nous étonnera ;
Des sorcières,
Il y en aura,
Aussi longtemps que, sur la terre,
Aussi longtemps que l’on se haïra.
Aussi longtemps qu’on s’aimera.
Mais, pour ses nocturnes voyages,
Que la sorcière fasse usage
De ces balais.
Tout vieux, tout laids,
Des balais aussi peu modernes,
Ce sont ces balais qui surprennent.
Voyons, serait-elle pas mieux,
Au lieu
De ces balais tout laids, tout vieux,
Sur un modèle
Plus digne d’elle,
Digne du métier
De sorcier,
Sur quelque balai mécanique,
Léger, élégant et pratique ?
Et même, je crois, le meilleur
Serait-il pas, dernier mot du confort,
Qu’elle employât, pour prendre son essor,
Qu’elle employât l’aspirateur ?
Oui, sans doute, excellente idée :
La sorcière déjà s’y montrait décidée,
Mais, au nom de leurs inventeurs,
Aspirateurs, balais mécaniques, et autres
Ont refusé, avec beaucoup de dignité, —
Une sorcière qu’on emporte,
Ce n’est pas pour cela qu’on les a inventés,
Qu’ils avaient mis la science au service
De la société et de l’humanité,
Non, ce n’est pas pour accepter
De servir la crédulité,
Et de s’en faire les complices !…
On ne peut, en bonne justice,
Que leur donner raison et les féliciter.
“Le Balai de la Sorcière”