Après dix ans de labourage,
Usé, n’en pouvant plus, appesanti par l’âge,
A son maître enrichi du fruit de ses travaux,
Certain bœuf un beau jour demanda du repos :
Pai, disait-il, consume ma jeunesse ,
Le front chargé du joug, à féconder vos champs
Je crois qu’à cette heure il est temps
De vivre un peu pour moi ; je touche à la vieillesse.
Mon ami, je veux qu’on t’engraisse,
Lui répondit le maître, et désormais , chez moi,
Bien manger sera ton emploi :
Pâtis bien gras , litière épaisse,
Etable chaude et , suivant la saison ,
Le vert ou le sec à foison :
Je veux te donner tout. Vive l’humaine engeance,
Dit notre bœuf en ruminant,
L’homme est vraiment reconnaissant ;
J’ai travaillé pour lui, par lui je fais bombance ;
Son maître, que vos soins ont droit de me toucher.
Ce bon maître était un boucher.
“Le Boeuf devenu vieux”
- Alexandre Coupé de Saint-Donat- 1775-1845