André-Clément-Victorin Bressier
On dit que le bonheur n’existe nulle part ;
Dire qu’il est partout serait plus vrai peut-être ;
Mais il faut savoir le connaître,
Et ne pas follement le chercher au hasard.
Au bout de l’univers quelle erreur vous emporte,
Aventuriers de toute sorte ?
Qui le poursuit au loin, jamais ne l’atteindra.
Ouvrez-lui plutôt votre porte
Et je gage qu’il entrera.
— Quoi ! le bonheur partout ? c’est une raillerie,
Sous les haillons du pauvre on ne le trouve pas.
— Pourquoi non ? Mes amis, écoutez, je vous prie,
Ce bûcheron chanter là-bas,
Dans le séjour de l’opulence.
Il se montre, non pas à l’heure de la danse,
Des plaisirs bruyants du festin ;
On l’y rencontre le matin,
Quand le maître donne audience
Au modeste indigent qui, d’un pas incertain,
Vient implorer sa bienfaisance ;
Mais il se plaît surtout avec l’aimable enfance :
Voit-il un écolier dans ses joyeux ébats
Lancer un cerf-volant, patiner sur la glace,
Jouer, sauter, courir, il ne le quitte pas !…
Jusqu’à l’heure de la classe.
Protée habile, il prend le nom de l’avenir
Pour bercer l’ardente jeunesse,
Et, sous celui de souvenir,
Il réchauffe le cœur de la froide vieillesse.
Si le malade et l’impotent
Veulent le recevoir, il arrive à l’instant ;
Et même sous leur lit qu’assiège la souffrance,
Pour les soulager il s’étend
Sous les traits de la patience.
Bonheur, où te trouver ? Lui dit-on chaque jour.
Et lui vous répond à son tour :
Pourquoi cet injuste murmure ?
Que vos désirs soient modérés,
Faites du bien, ayez la conscience pure
Mortels, et vous me trouverez.
Tous les sols font germer ma semence féconde,
Et, comme le soleil, je luis pour tout le monde.
« Le bonheur »