Eustache le Noble Tennelière
Journaliste et fabuliste XVIIº – Le Bouc et le Mouton
Au tribunal d’un bouc, vieux juge à gris menton,
Le chien fit assigner un innocent mouton.
Le juge aimait l’argent; juges de bas office
Que tous ceux qui sont vieux font de l’argent grand cas.
Mais le mouton ne savait pas
Qu’à ce bas tribunal on vendît la justice.
Comptant sur son intégrité
L’animal se croyait en pleine sûreté,
Quand du pays expert, en faux témoins fertile.
Le chien produisit au barreau
Un vautour né normand, un milan né manceau,
L’un et l’autre à jurer habile.
Ces témoins imposteurs donnent leurs faux rapports,
Lors le bouc au mouton dit tout bas, tête à tête.
Je te puis à mon tour donner ou droit ou tort,
Compte-moi mille écus. La somme est-elle prête ?
Et tu gagneras ton procès,
Sinon, ma foi, point de succès
Et faute de payer, tu seras une bête.
Moi, répond le mouton, si je suis innocent,
Pourquoi, vieux bouc, pourquoi te donner de l’argent ?
Sans argent, dit le bouc, nargue de l’innocence;
Et donnant aussitôt son inique sentence,
Condamne le mouton
A vider ce canton.
De quoi n’êtes-vous pas capables,
Juges intéressés et témoins scélérats,
Mais ce serait bien pis de tomber sous vos bras,
Si des juges plus équitables
Ne vous réformaient pas.
De ce petit conte d’Ésope.
Ami lecteur, veux-tu savoir la fin?
Cette énigme de soi trop bien se développe:
Le mouton est L. (Le Noble) et le vieux bouc B. (Belin).
Eustache le Noble Tennelière, Le Bouc et le Mouton