Le cerf, accompagné d’un loup,
Réclame à la brebis le prêt d’un boisseau d’orge.
Celle-ci, se voyant le couteau sous la gorge,
Sans être aucunement préparée à ce coup,
Mais redoutant du loup la terrible présence,
Et n’ayant aucune défense,
Quoiqu’elle ne dût rien, avoua prudemment,
Et l’on prit jour pour le paîment *,
Le jour venu, le cerf, au rendez-vous fidèle,
La somme de tenir sa parole, mais elle,
Lo voyant seul, lui dit, on riant aux éclats :
Tu peux bien te fouiller *, je ne te paierai pas,
Je ne crains plus ici du loup la dont cruelle,
Va, je ne te dois rien ; je me moque de toi,
Tu poux recourir à la loi.
Une obligation qu’on arrache par force
Ou par la ruse ou par l’amorce
Ne vous oblige en rien ; ou bien par un voleur
A vous faire duper vous mettez votre honneur*.
* On dit payement, paiement et paiment. Quelle richesse ! et surtout quelle chance !
* Expression très-populaire, sinon très-française. Les nouvelles couches sociales n’attendent que leur avènement au pouvoir pour la faire entrer de gré ou de force dans le dictionnaire de l’Académie.
* C’est comme ces prétendues dettes de jeu Je ne vois pas que, dans ce cas, il soit fort honorable de les payer ; et quant à l’autre cas, J’ai la naïveté de penser qu’on doit de préférence payer son boulanger et son tailleur.
“Le Cerf et la Brebis”