Daniel Allemand
Fabuliste contemporain – Le Cerf, l’Ours et la Girafe
Un cerf venait de perdre sa ramure ;
Éternel recommencement de la nature.
Malchance à l’arrivée de ses amis d’enfance
Auxquels il offrait le gite et l’ambiance.
Sa fierté naturelle
Si pareille à celle d’un arbre
(Dont Diane en s’en parant était si belle)
Toujours doux et tranquille, le laissait de marbre.
Ils ne s’étaient revus
Depuis la nuit des temps
Et peu importait l’imprévu
Heureux de les revoir au retour du printemps.
La girafe ombrageuse arriva la première
Entre en propos, et lui dit sans manière
Le regardant de haut :
« Je vous avais connu plus beau !
Moi, ma beauté n’est jamais contestée.»
Sa morgue et sa superbe
L’aspect imposant de sa majesté
Mit le cerf mal à l’aise et lui coupa le verbe.
Cahin-caha arriva l’ours
Sûr de sa supériorité
Il fallait qu’on admire et flatte sa frimousse
Soucieux de sa réputation en société.
« Il ne tiendra qu’à vous l’ami
D‘être à nos petits soins
En offrant beau logis
En n’étant point mesquin. »
Le cerf avait du cœur
Et ne vit point les profiteurs
Il aimait à donner
Et savait pardonner.
La belle au long cou chercha les difficultés
Pour mieux les contester
Elle était si ivre d’orgueil
Que tout devint permis
Et sans sortir son portefeuille
Elle ne fit point d’économie.
L’ours déguisé sous le signe de la bonté
Au détriment d’autrui
Invitait sans compter, discutant tous les mets
Par amour-propre et intérêt instruit.
Il savait ordonner
Exiger, réclamer, au gain s’abandonner
Un suzerain en sorte. Que dis-je ? Un roi !
Notre bon cerf est dans le désarroi
Il est chez lui, mais doit payer la dîme
Quand les vaniteux demandent encore l’estime.
Il comptait partager
Un printemps de bonheur
Mais il est naufragé
Et c’est de leur départ qu’il voudrait savoir l’heure.
Puis le charme rompu
Le plantigrade et l’ongulée
Quand ils furent repus
D’intérêts jugulés
De profits sans merci
S’en allèrent sans un merci.
Notre cerf ne voulut pas voir
Ce qu’il avait appris, ni même s’effrayer.
Quand l’orgueil ne veut pas devoir
L’amour propre ne veut pas plus payer.
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Daniel Allemand
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