Au son du fifre et du tambour.
Dans les murs de Paris on promenait un jour
Un chameau du plus haut parage ;
Il était fraîchement arrivé de Tunis,
Et mille curieux, en cercle réunis,
Pour le voir de plus près lui fermaient le passage.
Un riche, moins jaloux de compter îles ainsi
Que de voir à ses pieds ramper un monde esclave,
Dans le chameau louait un air soumis.
Un magistrat aimait son maintien grave,
Tandis qu’un avare enchanté
Ne cessait d’applaudir à sa sobriété.
Un bossu vint, qui dit ensuite :
« Messieurs, voilà bien des propos :
Mais vous ne parlez pas de son plus grand mérite :
Voyez s’élever sur son dos
Cette gracieuse éminence :
Qu’il paraît léger sous ce poids !
Et combien sa figure en reçoit à la fois
Et de noblesse et d’élégance !
En riant du bossu, nous faisons comme lui;
A sa conduite en rien la nôtre ne déroge,
Et l’homme tous les jours dans L’éloge d’autrui.
Sans y songer, fait son éloge.
“Le Chameau et le Bossu”