Un beau Chardonneret venu du Canada,
( on fait cas surtout de ceux-là
pour la simplicité de leur noble plumage , )
d’une Dame du haut parage
étoit l’esclave. Bon ! c’étoit pis que cela :
le pauvre Oiseau vivoit enchaîné dan fa cage,
payant par mille efforts d’adresse & de courage
ce qu’à tous les Oiseaux la Nature donna ,
le boire & le manger, Un jour il s’échappa.
Le voilà fur un arbre.On crut pouvoir l’y prendre.
Chacun dans le jardin le hâte de descendre.
Les plus sages disoient : ” Voilà l’Oiseau perdu ! ”
La Dame imprudemment ordonne de lui tendre
le lien qu’il avoit rompu.
Bel appât ! Franchement cette Dame étoit folle.
Il s’envola plus loin. Eh bien donc ! que mes gens
tachent de l’engager à revenir céans ;
& je lui donne ma parole
qu’il sera libre désormais.
Libre ! Eh ! ne l’est-il pas, dit l’un d’entre eux encore ?
Effayons cependant : mais ce fut sans succès.
J’ai, répondit l’Oiseau , ce que tu me promets :
à ta Dame il faudroit quelques grains d’ellébore ,
qu’ai-je besoin de ses bienfaits ?
Sers-la, toi, c’est ton lot, rampe sous sa puissance.
Moi, je chéris l’indépendance :
eh ! vivent les Chardonnerets !
une fois hors de cage , ils n’y rentrent jamais.
D’un tableau qui paroît choquer la vraisemblance,
permis à qui voudra de s’appliquer les traits!
Sur le nom de la Dame, on voit que je me tais :
honni soit donc qui mal y pense !
Le Chardonneret en Liberté Par M. L. à. – Almanach des muses, pour l’année 1783.
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