Certain chasseur avait une arbalète
Qu’au-dessus de toute autre il plaçait hardiment;
Il n’y manquait, pour la rendre parfaite,
Rien, selon lui, sinon quelque ornement.
Ses plans mûris et l’affaire arrêtée,
A Phidias l’arbalète est portée,
Afin d’être avec art sur tous les points sculptée.
Pour la centième fois signalant son ciseau,
L’ami de Périclès, qu’un peuple fanatique
Exila plus tard de l’Attique,
Ajoute à ses chefs-d’œuvre un chef-d’œuvre nouveau.
Le chasseur enchanté du délicat ouvrage
Qui devait de son arc centupler la valeur,
Vite alla l’essayer. Jugez de la douleur
Que ressentit ce Grec plus artiste que sage!
L’arc ayant en solidité
Perdu ce qu’il venait d’acquérir en beauté,
Se rompit net; et le pauvre homme
N’eut que débris payés une assez forte somme.
Un sot moins vaniteux sans peine aurait compris
Que ce qu’il faut surtout chercher dans l’arbalète,
C’est la solidité. L’art sans doute a son prix;
Mais encore est-il bon qu’à sa place on le mette.
“Le Chasseur et l’Arbalète”