Certain Chasseur, las de sa course,
Sous l’ombrage étendu, dormait près d’une source.
A quelques pas de là demeurait un Serpent.
Sitôt que l’animal rampant,
Sur l’oreiller eut vu mon homme,
Il se dresse en sifflant, déroule ses anneaux,
Se gonfle, et du donneur allait troubler le somme.
Un Moucheron vint à-propos.
Je ne souffrirai pas, dit-il, que cette bête
Fasse dommage à ce garçon.
Serpent ne l’aura pas, j’en réponds sur ma tête.
Disant ces mots, le Moucheron
Vole au Chasseur, et le pique au talon.
Celui-ci s’éveillant jure, crie et tempête,
De voir qu’un avorton ait troublé son repos.
Puis il s’allonge, et reprend des pavots.
Pendant ce temps, l’affreux reptile
Vient à plis tortueux, croit déjà le tenir.
Il se trompait : le volatile
Est là, qui le voyait venir.
Le danger augmentant, le fils de l’air bourdonne
Aux oreilles de l’endormi ;
Cherche à le réveiller, s’attache à sa personne,
Lui criant : Voilà l’ennemi !
Il va, vient, se travaille, en vingt endroits le touche.
Le touche encore, le pique, et le tient de si près,
Qu’enfin l’homme est sur pied. Peste soit de la mouche,
Dit-il en l’écrasant. Meurs, et me laisse en paix.
Il s’en allait, quand il voit l’amphibie
Qui, pour le dévorer, fait un dernier effort.
Ô ciel ! s’écria-t-il, quoi ! j’ai donné la mort
À ce pauvre animal qui m’a sauvé la vie ?
Lors, il marche au serpent, et l’étend de son long,
Croyant venger le Moucheron.
Le Serpent se redresse, et prenant la parole :
Tranche mes jours, dit-il ; j’ai mérité mon sort.
Mais de ce Moucheron, dis-moi, quel est le tort ?
À ce pauvre animal qui m’a sauvé la vie ?
Quel pardon à mon tour puis-je attendre d’un cœur
Qui traite ainsi son bienfaiteur ?
On trouva que pour une bête
Ce Serpent avait trop d’esprit.
L’homme allait pardonner ; mais ce qu’il avait dit
Déplut ; on lui cassa la tête.
“Le Chasseur, le Moucheron et le Serpent”