Eustache DESCHAMPS
Je trouve qu’entre les souris
Ot un merveilleux parlement
Contre les chas leurs ennemis,
A veoir manière comment
Elles vesquissent seurement.
Sanz demourer en tel débat,
L’une dist lors, en arguant,
Qui pendra la sonnette au chat ?
Cilz consaulx fut conclus et prins ;
Lors se parlent communément.
Une souris du plat païs
Les encontre, et va demandant
Qu’om a fait. Lors vont respondant :
Que leur ennemi seront mat ;
Sonnette aront ou coul pendant :
Qui pendra la sonnette au chat ?
C’est le plus fort, dist un ras gris.
Elle demande saigement
Par qui sera cilz fais fournis ;
Lors s’en va chascune excusant.
Il n’y ot point d’exécutant ;
S’en va leur besongne de plat.
Bien fut dit ; mais, au demourant,
Qui pendra la sonnette au chat ?
Envoi
Prince, on conseille bien souvent,
Mais on puet dire com le rat
Du conseil qui sa fin ne prant :
Qui pendra la sonnette au chat ?
“Le Chat et les Souris”
La Fontaine a traité le même sujet dans sa fable intitulée : Conseil tenu par les rats ; sans chercher à établir des points de comparaison qui ne peuvent exister, il est à remarquer cependant que la moralité de la fable se trouve la même chez nos deux poètes ; et s’il s’agit de décider lequel est préférable à l’autre, dans cette fable, nous avouerons, malgré le respect et l’admiration que nous conserverons toujours pour La Fontaine, qu’ici, Eustache Deschamps nous paraît supérieur, tant par la naïveté et la profondeur, que par l’heureuse invention de ce refrain : Qui pendra la sonnette au chat ?
‘Travaux de l’Académie nationale de Reims, Volumes 5 à 6, F. Michaud., 1847’