Pierre Louis Solvet
Homme de lettres, écrivain et analyses des fables – Le Chat, la Belette et le petit Lapin
Études sur “Le Chat, la Belette et le petit Lapin” de La Fontaine, P. Louis Solvet – 1812
- Le Chat, la Belette et le petit Lapin.
Pilpay, F. 5o.
…n’est pas une plaisanterie d’affirmer que la dispute du lapin et de la belette, qui s’est emparée d’un terrien dans l’absence du maître, l’un faisant valoir la raison du premier occupant, se moquant des prétendus droits de Jean Lapin, l’autre réclamant ses droits de succession, transmis à Jean par Pierre et Simon, ses aïeux, nous offre précisément le résultat de tant de gros ^ouvrages sur la propriété. (Ch, Éloge de La Fontaine)
V. 5. Elle porta chez lui ses pénates, un jour
Qu’il était allé faire à l’Aurore sa cour,
Parmi le thym et la rosée.
Après qu’il eut brouté, trotté, fait tous ses tours.
Cette peinture est fraîche et riante comme l’aurore.
Brouté, trotté, cette répétition de sons qui se confondent , peint merveilleusement la multiplicité des mouvements du lapin. Ce sont encore de ces délicatesses de langue qui sont intraduisibles. Gay transporte cette circonstance dans sa Fable du Lièvre et ses nombreux amis :
« Comme il sortait, un beau matin, pour brouter l’herbe encore abreuvée de rosée. »
Ce passage d’une Fable de M. Ducis est encore évidemment une réminiscence de celui sur lequel nous nous arrêtons :
Vois-moi, tons les matins,
Broutant, trottant, sautant, égayer mes destins
Entre les fleurs et la rosée.
(Le Hibou et le Rat.)
Du palais d’un jeune Lapin
Dame Belette un beau matin
S’empara ; c’est une rusée.
Le Maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates un jour
Qu’il était allé faire à l’Aurore sa cour,
Parmi le thym et la rosée.
Après qu’il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Janot Lapin retourne aux souterrains séjours.
……………………………………
C’était un beau sujet de guerre
Qu’un logis où lui-même il n’entrait qu’en rampant.
Et quand ce serait un Royaume
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l’octroi
A Jean fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu’à Paul, plutôt qu’à moi.
Jean Lapin allégua la coutume et l’usage.
Ce sont, dit-il, leurs lois qui m’ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui de père en fils,
L’ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupant est-ce une loi plus sage ?
– Or bien sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.
C’était un chat vivant comme un dévot ermite,
Un chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas.
Jean Lapin pour juge l’agrée.
Les voilà tous deux arrivés
Devant sa majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit : Mes enfants, approchez,
Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause.
……………………………
V. 19. …Où lui-même il n’entrait qu’en rampant.
Elle voudrait dégoûter Jeannot Lapin ; car elle n’est pas elle-même bien sûre de ses droits. (Ch.)
V. 20. Et quand ce serait un royaume,
Je voudrais bien savoir, dit-elle , quelle loi
En a pour toujours fait l’octroi
À Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu’à Paul, plutôt qu’à moi.
Mais d’où te vient donc ce royaume ?
Du hasard qui t’en fait l’octroi :
Au fond, il n’est pas plus à toi
Qu’à Simon, à Jean ou Jérôme.
(Fables Je la Fermière,. — Le Roi Guillot, livre 3, fable 40))
V. 31. Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.
Raminagrobis, nom burlesque pris de Rabelais : c’est celui du juge que Panurge va consulter pour savoir s’il doit prendre femme ; et l’abbé Massieu pense que c’est le poète Crétin, chantre de la Sainte.-Chapelle de Paris, que Rabelais a voulu désigner, faisant allusion à l’aumusse et aux fourrures de ce bon chanoine.
V. 33. Un chat, faisant la chattemite.
La Fontaine épuise, dans le portrait de ce saint personnage , toutes les mignardises de la langue que les vieux auteurs ont pu lui fournir ; celle de faire la chattemite est ici fort plaisante : et la voici associée aux mêmes idées dans ces vers d’une épigramme de Furetière, intitulée la Confession ingénue :
Regardez le bon hypocrite,
Dont l’air et le maintien cagot.
Avec un ton doux et dévot,
Fait si bien la chattemite.
V. 38. Grippeminaud leur dit……….
Grippeminaud, autre dénomination empruntée de Rabelais : Grippeminaud, archiduc des chats fourrés (liv. 5, chap. 12).
V.39…. Mes enfants,approchez,
Approchez : je suis sourd, les ans en sont la cause.
« Et là trouve Bridoye, au milieu du parquet assis; et pour toutes raisons et excuses, rien plus ne répondant, sinon qu’il était vieil devenu, et qu’il n’avait plus la vue tant bonne que de coutume, alléguant plusieurs misères et calamités que vieillesse apporte avec soy. » (Rabelais, livre. 3, f. 37)
Le dénouement de cette Fable ressemble un peu à celui de l’Huître et les Plaideurs, sauf qu’il est plus tragique pour les parties disputantes. (Ch.).