Grands, ne méprisez point ceux du plus bas étage,
Ils ont presque toujours sur vous quelqu’avantage :
Tout homme a son défaut, tout homme a sa vertu,
Et souvent, dans un point, par son plus petit Page,
L’orgueil du plus grand Roi peut être rabattu.
Ecoutez ce récit, car l’exemple rend sage.
Un Chêne dont le front se perdait dans les Cieux,
Et dont les pieds perçaient jusqu’au royaume sombre,
Regardait d’un œil dédaigneux
Un timide Laurier qui croissait sous son ombre.
Que tu dois te plaindre des Dieux !
Lui disait-il un jour, ils t’ont fait si fragile,
Qu’au moindre mouvement de l’air,
On voit plier ton tronc débile.
Ta rampante existence au monde est inutile,
Et quand tu meurs, à peine on daigne te brûler.
Mais moi, voisin du Ciel, je résiste à la rage
De l’impétueux Aquilon ;
Aux hommes, quand je vis, mes bras servent d ombrages ;
Je suis, après, ma mort, l’appui de leur maison.
Achève la comparaison,
Lui répond froidement le Laurier qu’il outrage,
Peut-être avoueras-tu qu’il est quelques endroits
Par où ma bassesse profonde
L’emporte sur l’éclat de tes superbes droits :
Ton fruit nourrit le Porc immonde,
Et ma feuille est le prix de la vertu des Rois.
“Le Chêne et le Laurier”