Déjà sous les efforts d’une hache implacable
Un chêne altier voyait sa tête se courber :
« Qu’ai-je donc fait ? dit-il ; de quoi suis-je coupable
Pour qu’ainsi le malheur sur moi vienne tomber ?
Parmi tant de races infimes
Qui rampent à mes pieds, dis, ô Destin jaloux,
N’est-il pas assez de victimes
Qui puissent périr sous tes coups,
Sans choisir de ces bois l’hôte le plus illustre
Pour le livrer aux outrages d’un rustre ? »
— Modère un peu ton langage hautain,
Lui répondit un modeste brin d’herbe ;
Crois-tu donc être seul le jouet du Destin ?
Non ; depuis le fétu jusqu’au chêne superbe,
Nous sommes tous sujets aux caprices du sort
Qui frappe, sans choisir, et le faible et le fort.
Telle est la loi de la Nature.
Si l’on aperçoit moins les malheurs que j’endure
Que ceux de tes pareils, quand le sort les poursuit,
C’est parce que je fais en tombant moins de bruit. »
“Le Chêne et le Brin d’herbe”