Un arbrisseau végétoit à l’ombrage
D’un chêne fier & vigoureux,
Dont la tête orgueilleuse élevoit jusqu’aux Cieux
Le superbe contour de son épais feuillage.
Fâché d’un pareil voisinage,
Un jour l’arbrisseau dit : Que je serois heureux,
Si j’étois seul dans ces aimables lieux !
Le front couronné de verdure,
J’y ferois le plaisir des yeux
Et l’ornement de la Nature.
Mon voisin ne doit sa grandeur
Qu’au détriment de ma substance.
Plus loin de lui, plein de vigueur,
J’y montrerois mon existence.
Livré dans ces momens à toute son humeur,
Il déclamoit encor, lorsque soudain la foudre
Frappe le chêne, & le réduit en poudre.
Que devient l’arbrisseau ? Tremblez, vous qui des Grands
Ne demandez que l’opprobre & la chute :
Ce jeune arbuste, aux injures du temps,
Foible, isolé, demeure en bute,
Et périt le jouet de l’orage & des vents.
“Le Chêne & l’Arbrisseau”
Etrennes du Parnasse, 1771.