« Pourquoi ces pleurs et ces tristes adieux?
« Sommes-nous donc tous nés pour travailler la terre?
Disait à ses parents, gens fort laborieux,
Un cheval limousin qui partait pour la guerre:
« Je n’ai point de biens, point d’aïeux….
« Je vais me faire un nom sur les pas de Bellone;
« La mort, on le sait trop, ne fait grâce à personne;
« Par-tout, hélas! jeunes ou vieux ,
« Sa redoutable faulx à son gré nous moissonne.
« Un vulgaire trépas vous menace en ces lieux :
« Moi, si je meurs, au temple de Mémoire
« On me verra, pour mes exploits fameux,
« Près du coursier Bayard , placé parla victoire.
« Chacun alors d’admirer ma valeur!
« Chacun de s’écrier en lisant mon histoire :
« Tel, dans les champs, qui finit sans honneur,
« S’il mourait comme lui, serait comblé de gloire! »
C’est bien là parler en héros,
Du moins c’est ainsi que je pense:
Mais suffit-il toujours de courir une chance,
De consacrer sa vie aux plus nobles travaux?
Il faut (c’est le grand point) se mettre en évidence
Et savoir mourir à propos.
Mon cheval, par exemple, à son ardeur guerrière
Donnant un libre essor, fit ses preuves si bien
Qu’un boulet l’arrêta tout court dans sa carrière ,
Et le Moniteur n’en dit rien.
“Le Cheval belliqueux”